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Japon – Nagasaki
poezie [ ]

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de [LEVET,_Henry_Jean-Marie ]

2009-09-17  | [Acest text ar trebui citit în francais]    |  Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt




À Auguste Brunet

La ville a clos ses prunelles multicolores
Et tu ses baladins, ses gongs et ses tams-tams;
Sur l’eau calme le capitaine du port
Promène dans un sampan dont il tient les rames...

Depuis la dernière épidémie de choléra
Où sa fille lui fut brusquement enlevée
Il y a aujourd’hui juste un an de cela –
Le capitaine Kio-tsu a beaucoup changé.

Après l’événement – lui si mondain naguère ! –
Il a rompu avec toutes ses relations,
Et vit dans son cottage triste et solitaire:
(Même on a craint, pendant un temps, pour sa raison...)

Son désespoir semble l’étreindre comme une cangue
Car il baisse en ramant sa tête anémiée;
Il circule parmi les navires à l’ancre,
Les cargo-boats, les steamers, les charbonniers...

Comme le calme de cette belle nuit lui pèse !
Ah ! Mais voilà soudain que le père meurtri
L’entend se déchirer, cette nuit japonaise,
Où comme en son manteau dormait Nagasaki...

Une hallucination de cet esprit malade
Lui fait ouïr les voix sinistres des sirènes
De tous les bateaux qui dorment là, dans la rade,
Pour lamenter de concert sur la mort de son Yu-len !

Oui, elles lamentent pour la jeune Trépassée
Comme les pleureuses des enterrements anciens:
Leurs hurlements de Walkyries affolées,
Le choeur de leurs clameurs stridentes et crispées,
Les sifflements lugubres des sombres traversées,
Ah quel anniversaire pour une fille de marin !

— Voilà ce qu’entend dans sa folle douleur sans remède
Le capitaine du port de Nagasaki;
Quand rien ne trouble cette nuit lunaire et tiède
Que la mélopée lente d’un thériaki...

(Henry Jean-Marie LEVET, CARTES POSTALES, 1902)


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